Claire et Charles Géniaux, journalistes et romanciers, fidèles amis de Jossot.
(née Marie Claire Mazère, 1879-1971 et 12 nov. 1868-19 mars 1931)

Caricature de Charles Géniaux par Jordic

Charles Géniaux est l’aîné de quatre enfants et son père, un chirurgien militaire caractériel et violent, est hospitalisé à la suite d’une chute de cheval. Sa mère, Emma Bourdonnay du Clésio, fille d’un avoué à Rennes, élève seule ses enfants en mal de liberté. Après une scolarité de cancre, Charles se donne pour mission de photographier le patrimoine Breton avec son frère Paul et sa sœur Margueritte, future épouse du peintre et dessinateur Jordic (Georges Pignon). Ils réalisent des cartes postales de monuments et des scènes de genre où ils se mettent en scène vêtus de costumes folkloriques. Dès 1983, Charles fonde Bretagne-Revue et donne des conférences avec le chanoine Abgrall, un érudit avec lequel il publie Le Livre d’or des Eglise de Bretagne. En 1897, il fonde Les Chansonniers de Bretagne Revue, un théâtre d’ombre sur le modèle du Chat Noir. Le public provincial sort courroucé des représentations. Charles fonde alors La Compagnie de la chauve souris sous le nom de Yann de La Noë, mais l’expérience tourne court : la troupe se retrouve au poste de police d’Avranches pour outrage au Président de la République (Félix Faure). Charles Géniaux est Montmartrois en 1899 et mène une vie de bohème entre La Renommée des frites, où il retrouve Jordic, et l’écriture de ses premiers romans.

Charles est immense et maigre avec un physique à la Don Quichotte. Cheveux en bataille, il gesticule, vocifère contre l’esprit « bôrgeois » et pour un gauchisme romantique. Contestataire et conservateur, il veut tout et le contraire de tout. Il se dit anarchiste traditionaliste. (FERRIERE, p.19)

Il donne alors aux journaux de nombreux articles, sur tout et n’importe quoi, dans La Revue Mame, Le Journal des voyages, Le Magazine pittoresque, Le Monde moderne, etc. Lassé de la photographie, « un métier idiot et subalterne », il laisse son frère poursuivre l’entreprise commune. Éconduit une première fois par ses futurs beaux-parents en raison de son côté bohème, Charles pose ses conditions à Claire Mazère : « pourvu que je sois libre au milieu de belles choses, le reste m’est indifférent ». Il attendra la majorité de la jeune fille pour obtenir le mariage contre avis parental.

Portrait de Claire Géniaux par Jordic

Installé à Montrouge en 1902, le couple pénètre peu à peu les milieux artistiques : Charles Dufour l’introduit auprès de Leconte de Lisle, Hérédia et Sully Prud’homme ; il rencontre le comte Arthur Dillon, ancien boulangiste lié à la duchesse d’Uzes et dont les projets de développement pharaoniques de la Bretagne lui inspirent un roman, Les Forces de la Vie (qui recevra le Prix Balzac). Premier succès d’estime, La Cité de mort paraît en 1904, suivi de l’Homme de peine (Prix National de littérature en 1907) très salué par la presse. Claire Géniaux écrit elle aussi, dans Fémina, et se lie avec la duchesse de Rohan.

En 1906, Charles est mandaté par le Ministère des Affaires Étrangères pour une enquête en Tunisie sur les « centres de colonisation ». Dans son rapport, il dénonce la spoliation des biens indigènes et enquête sur « l’esprit colon » afin de souligner l’hostilité sourde des tunisiens envers les colons français... il fréquente alors les intellectuels tunisiens indépendantistes, Khairallah et Si Ali Ben Ahmed Guellaty, donne des conférences à la Sadikia, est reçu par le nouveau Résident Alapetite. À son retour, il rédige Le Choc des races, roman proche par l’esprit de La Fête arabe de Jean et Jérôme Tharaud, où tous les maux de la colonie sont attribués aux populations maltaises, siciliennes, espagnoles et juives. De retour à Tunis en 1908, Claire et Charles jouissent du patio de marbre d’une maison arabe prêtée par Si Chadly et rencontrent leur voisine, Alexandra David-Néel. Charles rédige Les Musulmanes et Les bourgeois et subit les manifestations hostiles de colons hurlant « Mort à Géniaux ! » De retour en France, les romanciers passent l’été en compagnie d'Alphonse de Chateaubriand, Ferdinand Bac, Jean Frélaut et suivent la duchesse de Rohan sur les traces de ses possessions perdues.

M. Géniaux et la Tunisie

Cet écrivain, précédemment chargé de mission par le ministère des Affaires Etrangères, n’est point inoffensif comme M. Violard, un autre chargé de mission du temps du gonfalonat Pichon. La colonie française de Tunis a eu à s’occuper de lui en 1908, à la suite d’articles haineux contre les agriculteurs et les ouvriers français que l’auteur représentait comme des hommes « rudes et parfois brutaux, armés de cravaches et d’outils et qui rudoient les pauvres indigènes indifférents à l’argent ».

Un ordre du jour de flétrissure, en date du 6 juillet 1908, fut voté par la Chambre d’Agriculture et le gouvernement, prié de se prononcer, se tira habilement des grègues, voulant selon ses habitudes ménager tout le monde. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner outre mesure de la publication dans la « Revue Hebdomadaire » d’un article sur notre Régence intitulé « Trente ans de protectorat tunisien ».

M. Géniaux est de ceux qui estiment pouvoir résumer en vingt pages un aussi complexe tissu d’épisodes, peut-être parce que, n’approfondissant point les choses, il se borne à les effleurer [....]

Mais où cela devient particulier et où l’on se sent monter le rouge au front en pensant que M. Géniaux est Français, c’est à l’avant dernière page où dix lignes dont consacrées aux récents massacres.

Savez-vous de qui on parle dans ces dix lignes ? Croyez-vous que ce soit de Brayard, de Vanel et de Franchi, les trois Français lapidés et assommés comme des bêtes et qui dorment de leur dernier sommeil sous cette terre de mensonge et de trahison ? Croyez vous qu’il s’agisse des brancardiers de la Croix-Verte, ces héros modestes tombés au champ d’honneur, ou de ces pauvres septuagénaires lapidés sur le siège de la voiture de charité, ou des Italiens saignés à la gorge, éventrés par des bêtes féroces qui léchaient ensuite sur la lame de leurs couteaux le sang des roumis ?

Non !

M. Ch. Géniaux rend hommage à MM. Zaouche, Kairallah et Béchir Sfar qui, au péril de leur vie, usèrent de leur autorité pour calmer leurs coreligionnaires !

Gardons notre sang-froid et allons jusqu’au bout, cédons la parole à ce... à cet écrivain :

« Cette bataille et ces attentats ont été provoqués par l’insolence de la basse plèbe sicilienne... C’est peut-être l’heure de défendre la Régence contre l’envahissement des ces étrangers qui rêvent de nous remplacer....

Un des directeurs du Gouvernement tunisien m’avait dit : « Il ne faut pas plus s’inquiéter des Siciliens que d’une invasion de bourricots. Plus il y a d’ânes en Afrique et plus vite se fait le travail... » Les journées sanglantes de novembre nous avertissent d’avoir désormais à défendre une population indigène paisible contre les Italiens qui suscitent contre la France ces émeutes. »

Voilà ce qui s’imprime à Paris, de par la volonté du Minsitère des Affaires....

Tunisie Française, ***, 1912.

Le Choc des races,
un nouveau livre de M. Ch. Géniaux

Il faudrait citer tout l’ouvrage pour voir à chaque page cette invraisemblance qui d’ailleurs – c’est un fait à remarquer – se produit toujours pour rendre l’Européen odieux et l’indigène intéressant.

Les Arabes sont beaux ; ont le teint poli et mat ; les yeux admirables ; les Siciliens sont crasseux ; les Maltais rancis, leurs femmes ressemblent à des pruneaux dépeignés – un pruneau dépeigné ! – et les Européens ivres dans un café, insultent un Arabe qui leur reproche de cracher par terre.

La jeune fille rencontre des soldats français – ces beaux zouaves dont nous sommes si fiers – et elle constate « qu’ils lui sourient avec une fatuité grossière ».

Voilà, l’esprit dans lequel on dépeint en France la colonisation française. Cette œuvre est injuste et mauvaise.

Elle est des plus coupable, parce qu’un écrivain en enlevant par ses appréciations sans fondement, ses affirmations sans réalité, un peu de l’honneur et de respect dû à des compatriotes qui après tout mènent un vie pleine de risques et de privations, touche au patrimoine même de son pays.

Il met enfin dans l’erreur ses concitoyens, en exagérant les qualités de l’étranger, pour mieux salir ses frères, et il n’a même pas l’excuse d’avoir obéi au sentiment de la réalité, puisque les personnages qu’il nous dépeint ne se retrouvent dans aucun des types cependant bien variés, que nous avons journellement sous les yeux.

Armand Ravelet, Tunisie française, ***, 1912.

En 1909, Charles Géniaux reçoit ses amis tunisiens à Paris et continue à se battre contre l’oppression coloniale tout en poursuivant son œuvre de romancier avec L’Etoile du veilleur et L’Homme de génie. Il noue une grande amitié avec Romain Rolland. La même année, il effectue quelques intrusions au Maroc à partir de l’Algérie, pour un numéro spécial du Figaro illustré. Sa rencontre avec Lyautey, à Tlemcem, sera à l’origine d’autres missions sur le territoire algérien.

Dans les années 1910-1914, Charles a une aventure avec la Princesse Murat et s'en inspire dans Les deux châtelaines. Il fréquente aussi la Duchesse de Rohan chez qui il rencontre Jean-Julien Lemordant. Ses nombreux romans, Les Champs haineux, Notre petit gourbi, L’Océan, La Passion d’Armelle Louannais, Le Roman d’un gentilhomme, Les Fiancés de 1914, Les Patriciennes de la mer, lui donnent les moyens de voyager en Italie et de faire construire une maison à Rochefort en terre. Avec une commande de neuf volumes chez Flammarion, la Légion d’Honneur, le couronnement des Musulmanes par l’Académie Française, sa réussite d’après guerre se concrétise dans l’achat du château de Milhard, dans le haut de Cagnes. Charles meurt en 1931, tandis que son épouse poursuit leur œuvre littéraire, s’attachant tout particulièrement à défendre les causes pacifistes et l’émancipation féminine.

Le couple Géniaux a rencontré Jossot en Tunisie avant la Première Guerre mondiale, peut-être par l’intermédiaire de leur ami commun, Jean-Julien Lemordant. Jossot a sévèrement jugé l’évolution intellectuelle de ses amis. Lorsque Claire Géniaux publie … Le sort le plus beau !, ouvrage préfacé par l’extrait d’une Encyclique de Benoît XV appelant, conformément au message chrétien, à la paix et à l’amour de l’ennemi, il ironise assez durement : « ça lui va bien à votre Très Saint Père de prêcher la fraternité humaine… après la guerre, alors que, pendant, il autorisait ses prêtres et ses moines à danser la bamboula dans les flaques de sang ». Quant au livre, le caricaturiste regrette qu’il n’ait pas été écrit avant ou pendant la boucherie : « Maintenant, c’est un peu de la moutarde après dîner ». Dans un autre roman intitulé Un héros national, inspiré par l’histoire de Jean-Julien Lemordant, Claire Géniaux regrette les entreprises philanthropiques des femmes durant le conflit : elles auraient permis aux dirigeants de prolonger le massacre. Jossot s’offusque du revirement idéologique de son amie et lui rappelle avec quelle ferveur patriotique elle apportait des paniers d’abricots aux blessés soignés à Tunis. Il lui rapporte encore ses propos nationalistes d’antan lorsqu’elle compare la patrie à une empuse dévorant ses mâles.

Claire et Charles Géniaux n’ont semble-t-il pas gardé rancune à Jossot de cette intransigeance et lui consacrèrent plusieurs écrits. Dans L’art et les artistes, Charles décrit avec compréhension le parcours spirituel du caricaturiste et apprécie son œuvre nouvelle avec discernement, soulignant la qualité de ses encres de Chine. Dans une remarquable économie de moyens, explique-t-il, Jossot parvient à dépeindre « l’envers de l’apparence des gens et des choses. » À son tour, Claire Géniaux retrace les débats intellectuels qui eurent lieu entre Jossot et l’élite intellectuelle tunisienne, dans L’âme musulmane en Tunisie, mémoires plus ou moins romancées, publiées en 1934. Le dessinateur y apparaît sous le nom d’Abdel-Aziz Perrin, dans un chapitre intitulé « le renégat ». En revanche, Jossot ne mentionne pas les Géniaux dans Goutte à goutte.


Sources :
  • DUFOUR (Philippe), article sur Charles Géniaux Albigeois et bibliographie de ses principaux ouvrages, parus dans la Revue du Tarn en 1936, mis en ligne par Jean-Paul Marion en mai 2007.
  • FERRIERE (Martine de la), Jordic, un artiste à l’île-aux-Moines avant 1914, Moëlan-sur-Mer, Blanc silex éditions, 2003.
  • Lettre de Jossot à Claire Géniaux, coll. privée.
  • FRELAUT (Bertrand), « Un inventeur de la Bretagne : Charles Géniaux (1870-1931) », Mémoires de la société d'histoire et d'archéologie de Bretagne, t. 75, Rennes, 1997.
  • GENIAUX (Charles), « Abdou’l-Karim Jossot (conversion d’artiste) », L’Art et les artistes, n° 41, nov 1923.
  • GÉNIAUX (Claire), L’Âme musulmane en Tunisie, Paris, Fasquelle, 1934.
  • GÉNIAUX (Claire), Un Héros national, Paris, Flammarion, 1922.
  • GENIAUX (Claire), Le Sort le plus beau ! , Paris, Flammarion, 1921.
  • Articles divers tirés des journaux : La Voix du tunisien, Tunisie-française et Le Colon français.
  • Site de l'association Romain Rolland.

L’Eurasie de l’esprit

Il sera beaucoup parlé de l’exposition coloniale. Devant l’amoncellement des produits de nos florissantes colonies rassemblés dans des pavillons qui sont, en quelque sorte, la synthèse de chacune de nos possessions d’outre-mer, on ne manquera pas de vanter cette vaste source de richesse qui afflue vers la métropole. Malheureusement la plupart des hommes appartenant aux grandes puissances coloniales ne sont que trop portés à ne voir dans nos colonies qu’un accroissement de grandeur et de bien-être, dans les indigènes une main-d’œuvre abondante et en cas de nouvelle guerre, du matériel humain.

Nous avons dépassé la période où les écrivains férus d’exotisme ne recherchaient que le pittoresque des costumes et l’étrangeté des mœurs. Les races, les religions, les langues dans lesquelles nous compartimentons les hommes d’Asie et d’Afrique ne forment plus entre eux et nous des cloisons aussi étanches que naguère ; nous nous connaissons mieux les uns les autres – ce qui ne veut pas dire encore que nous nous en aimions davantage – mais nous tendons désormais à voir des hommes avant de ne considérer en eux que des Africains ou des Asiatiques.

Ce rapprochement, ce commencement de l’unification se fait par en bas, par la grande internationale du prolétariat. Travailleurs algériens, marocains, annamites, chinois et malgaches, vêtus de la même salopette bleue et de la même hideuse casquette sont devenus solidaires. Régis par les mêmes lois, soumis au même contrat d’embauchage, ils exigent les mêmes salaires que les européens, le même respect de la personne humaine.

Souhaitons que les Français qui visiteront l’Exposition de Vincennes n’y entrent pas comme dans un jardin zoologique et ne considèrent pas les hommes de couleur dont l’étrangeté les amusera quelques instants guère mieux que des animaux exotiques.

Qu’on ne nous parle pas d’irréductibilité foncière entre gens de races aussi opposées. Lorsqu’il y a une vingtaine d’années nous vînmes pour la première fois en Tunisie, spontanément, la plus franche et la plus vive amitié s’établit entre nous et les « jeunes Tunisiens », les Kaïrallah, Lasram, Béchir Sfar, Bach-Hamba, Zaouche, Ali ben Ahmed et son fils Hassen Guellaty qui accueillirent avec tant de confiance et de cordialité les écrivains français ; depuis, cette amitié ne s’est jamais démentie.

Parmi les Français fixés en Tunisie, combien s’en trouvaient-ils pour s’intéresser à eux, les fréquenter, les encourager dans leurs efforts de relèvement ? Si, depuis, l’élite de la nouvelle génération, fils de ces « jeunes Tunisiens » de naguère, s’est dans une certaine mesure, détournée de la France, la faute n’en est-elle pas à ces Français qui ont négligé le plus sûr moyen de domination : se donner sans compter et se faire aimer ? Les bienfaits de la civilisation célébrés dans les discours officiels ne suffisent pas ; il y faut cette chaleur d’accueil, cette pénétration, non point seulement pacifique mais cordiale, cette entente qui n’est point une main-mise mais un respect de la personnalité et du caractère de chacun.

S’il semble facile de sympathiser avec les musulmans du nord de l’Afrique et de la Syrie, l’on pourrait croire l’entente impossible entre Français et Asiatiques et pourtant il existe aussi entre eux et nous des affinités d’esprit qui sont à la base de toute véritable amitié. Nous trouvant un dimanche dans la bibliothèque du Musée Guimet, où le conservateur adjoint, M. René Grousset, accueille avec tant de cordialité les amis de l’Orient et, à plus forte raison, les Orientaux eux-mêmes, pourquoi, parmi tant d’européens distingués qui nous entouraient, fûmes-nous attiré par un jeune Chinois au visage rayonnant de spiritualité, aux mains d’une forme exquise et aux gestes précieux ? Sung-Nien-Hsu, qui avait fait ses études à la Faculté de Lyon, partageait son existence entre Paris et Pékin, où il était professeur à l’Université franco-chinoise.

Il parut touché de l’élan qui nous avait porté vers lui sans présentation préalable. Le lendemain, il nous envoyait des revues françaises où il avait publié des études sur des poètes classiques de la Chine de sixième siècle et, de retour chez lui, il nous prouva par l’envoi de lettres et de publications qu’il ne nous avait point oubliés.

Vivekananda, Ghandi, dans leur œuvre de libération de l’Inde, ont eu l’appui d’amis Anglais dévoués jusqu’au fanatisme. Sans le concours spirituel de l’Europe, l’action de Ghandi n’eût peut-être pas été possible : Edwin, Arnold, Mme Blavatsky, Carlyle, Tolstoï, Ruskin ont élargi et illuminé sa pensée et lui ont fait comprendre les valeurs intellectuelles et morales de l’Occident. Des Anglais comme C.-F. Andrew, Pearson, Madeleine Slade et tant d’autres, se sont fait une gloire d’être ses « grands serviteurs » dans ses campagnes de Satya-Graha en sud-Afrique et aux Indes et ont souffert, comme lui, persécution pour sa cause.

Ce « swaraj », cette œuvre de la conquête de l’indépendance de l’Inde, n’est point que le duel entre l’Asie et l’Europe ; voyons-y plutôt, comme le fait Romain Rolland dans son admirable préface de l’autobiographie de Ghandi : « Le sposalizio des deux moitiés de l’humanité. Elles se fiancent. Les deux grands fleuves de l’Esprit se rejoignent, enfin, et ils se mêlent. »

Souhaitons donc que l’Exposition coloniale de Vincennes ne soit pas seulement une légitime raison d’exaltation pour la France, mais qu’en ouvrant nos esprits et nos cœurs à une plus large compréhension des races, à une véritable sympathie humaine, elle nous incite à faire partie de « cette eurasie » de l’esprit que les hommes les plus hauts d’Asie et d’Europe ayant à leur tête Romain Rolland ont entrepris de fonder.

Claire Charles Géniaux, La Voix du Tunisien et La Dépêche de Toulouse,***, 1931.

Des paroles bien françaises

Tout ce que vous dites de l’usure pratiquée par les Français, nous n’avons pas manqué de le dire bien des fois avec une indignation égale à la vôtre. Je m’intéresse toujours à la Tunisie, moi qui ai depuis longtemps dépassé le stade du nationalisme, peut être encore nécessaire aux peuples soumis aux occidentaux mais bien inutile et dangereux en Europe. Je trouve votre action vis-à-vis de la France très légitime.

Claire Charles Géniaux, La Voix du Tunisien,***, 1931.

Charles Géniaux

Sans aliéner le moins du monde sa liberté d’observateur impartial ni son indépendance d’écrivain consciencieux, il sut traduire dans ses écrits sa vive sympathie pour notre pays et pour nous. Il traça, de la vie tunisienne des tableaux qui sont d’une vérité incontestable, malgré ce qu’il peut y avoir de choquant pour notre susceptibilité. Il esquissa des portraits pittoresques qui n’ont rien de caricatural. Il donna, à l’élite musulmane, des conseils dont la sincérité ne faisait de doute pour personne.

Dans ses entrevues avec ses confrères de Paris et d’ailleurs, il s’efforçait de montrer le vrai visage de la Tunisie. Dans ses entretiens avec les hommes de pouvoir, il présentait l’élite tunisienne sous son vrai jour et tentait de démolir l’édifice de calomnies échafaudé à grand renfort de mauvaise foi.

Voilà pourquoi, nous, Tunisiens, nous resterons fidèles à son souvenir....

La Voix du Tunisien,***, 1931.

Retrouvez les autres copains
de Jossot...

lien vers les copains de Jossot

Annuaire Livres Valid XHTML 1.0 Strict