On en parle !

La nouvelle Sodome, par Edmond Fazy, Paris, l'Edition moderne, [1903]

Couverture du livre de Fazy par Jossot

Il y a quelques mois est étrangement réapparu, en plusieurs exemplaires, un dessin de Jossot qui n'avait jamais été vu depuis que les collectionneurs collectionnent et que les chercheurs cherchent. Il s'agit de la couverture d'un roman au titre singulièrement hardi : La nouvelle Sodome, par Edmond Fazy. Cet auteur oublié est une figure littéraire radicale et originale issue du mouvement symboliste. Un article nécrologique du Mercure de France, signé Pierre Quillard, en dresse un portrait intéressant le 16 novembre 1910.

Né en 1870 dans le Cher, d'une famille dauphinoise exilée en Suisse suite à la Révocation de l'édit de Nantes, Edmond Fazy revendique volontiers son cousinage avec le révolutionnaire James Fazy. Son père ayant réintégré la France et le catholicisme, l'anti-conformisme d'Edmond Fazy s'exprimerait notamment dans ses positions violemment antichrétiennes.

Poète et romancier voyageur, Edmond Fazy fait partie des rares homosexuels militants de la fin du XIXe siècle. Ses romans se caractérisent par une « non-composition » digressive qui a souvent déconcerté ses lecteurs. Ils sont habités par ses lectures d'esthète raffiné, mais aussi hantés par son expérience de voyageur : en Turquie, à Saint-Pétersbourg, à Berlin puis en Algérie. Et l'expérience semble avoir été d'emblée traumatique puisque Fazy est témoin des massacres des Arméniens entre 1894 et 1896 ... Sa haine envers les politiciens ottomans, son anti-christianisme, mais aussi sa culture hellénique, ses goûts pour Wagner et un certain érotisme, apparaissent aussi bien dans son œuvre de chroniqueur, que dans ses romans ou ses poésies.

Dans tous les genres, l'auteur juxtapose l'observation critique – et souvent satirique – , à la vision rêvée d'un Orient littéraire, suivant en cela la propension des européens à projeter leur culture (ici hellénique et byzantine) sur des réalités trop exotiques pour être immédiatement appréhendées. Ses chroniques parues dans Le Temps sont ainsi largement romancées ou truffées de private joke, tandis qu'un poème accueille volontiers un appel au meurtre lancé contre Abdul-Hamid. Ses traductions depuis le latin et le turc portent la marque délibérément créative d'un esprit transgenre... polémiste et transgressif, Edmond Fazy ne respecte pas davantage sa propre image : « par une sorte de diabolique propension à médire de lui-même et au besoin à se calomnier, ce délicat mandarin [a] exercé contre sa propre personne la verve sarcastique et caricaturale qu'il n'épargnait guères [sic] aux dépens des sots et des coquins ». (Quillard, p. 271)

On reconnaît encore dans cette auto-dérison une tournure d'esprit portée par la seconde génération des artistes symbolistes qui se démarquent ainsi de l'idéalisme mallarméen. Ce courant s'est largement exprimé dans la revue La Plume auquel Edmond Fazy a régulièrement collaboré et où Jossot l'a peut être connu. (Sur cet aspect, voir l'article Parodies créatrices...)

De la fantaisie, des voyages exotiques, un art de la dérision et de la satire sociale et politique ; des positions tranchées, de l'auto-dérision, une volonté de bousculer les frontières artistiques, identitaires et culturelles, tout cela fait échos avec l'oeuvre de Jossot. Le côté décousu de La Nouvelle Sodome, son scénario improbable prétexte aux récits de voyages plus ou moins loufoques, n'offre-t-il pas une sorte de parenté avec la « pochade littéraire » que représente Viande de Borgeois, publié seulement deux ans après ? C'est une hypothèse de travail qu'il faudrait plus précisément creuser. Quand on sait par ailleurs que, revenu à Paris, Edmond Fazy s'éprend « rétrospectivement de l'Islam, de ses mystiques et des ses érotiques », la présence d'une couverture de Jossot sur cet ouvrage trouve encore davantage son sens. L'artiste ne s'est peut-être pas contenté de recycler là un dessin refusé par le rédacteur d'un journal trop timide...

Le livre de la Nouvelle Sodome est caractéristique éminemment de composition ou mieux de non-composition d'Edouard Fazy, et l'autre roman, Monique et Valentine, est construit selon la même manière. Ce devait être simplement l'histoire de la fortune extraordinaire d'un petit juif converti qui, par des prostitutions successives, s'élevait au rang de favori du sul- tan et, sauf que son origine était moins humble, c'est par des moyens de ce genre que fut, en effet, poussée jusqu'à la plus haute fortune l'une des plus notables Excellences ottomanes, qui représentait naguère l'Ombre de Dieu dans une des capitales européennes. Les premiers chapitres sont une peinture très haute en couleurs du milieu toute la crapule et toute la hideur levantines y pourrissent à souhait et, comme contribution à l'étude des mœurs de ce temps, cela sera aussi utile que de consulter Pétrone et Martial pour s'informer de la Rome impériale. Mais aussitôt le roman tourne Edouard [Sic ! lire : Edmond] Fazy ne saurait s'intéresser longtemps à une fripouille qui ne fût pas lettrée et, par une transformation singulière, le héros du roman, Sélim, conserve tous ses vices, mais acquiert une curiosité encyclopédique et un sens très délicat de la beauté, si bien que, par dégoût du maître abject, il devient le chef d'une conspiration de Palais et le sauveur de la patrie.
Pierre Quillard, Mercure de France, 16 novembre 1910.

Le livre d'Edmond Fazy, à condition de le prendre pour une caricature plutôt que comme une photographie, est utile à consulter, plein de détails pittoresques, de fait curieux... et, ce qui ne gâte rien, écrit avec une verve endiablée"
Henri d'Almeras, La presse, 30 nov. 1903

Quand Jean Ajalbert déterre Jossot

portrait de Jean Ajalbert

Nous savions déjà que l'écrivain Jean Ajalbert avait développé une amitié avec Jossot. Une lettre a récemment refait surface qui vient plus précisément documenter cette relation. Les deux hommes se sont probablement croisés vers 1895 autour de la revue La Plume. Dans ses Mémoires, Jossot évoque la visite de l'homme de lettre, qui s'est déplacé, en 1905, jusqu'à Rueil, en compagnie d'un ami commun, l'avocat Georges Lhermitte, compagnon de la féministe Maria Vérone. Issu de l'anarchisme littéraire, Ajalbert prend la défense de Dreyfus dès sa dégradation du grade de capitaine et collabore aux journaux dreyfusards Les Droits de l'homme et Le Journal du Peuple. Il fréquente les milieux symbolistes et décadents, publie des romans et des essais très variés, s'insurge contre la perpective colonialiste de l'Ecole française d'Extrême-Orient, etc. Jossot le rencontre par hasard dans une rue de Tunis en 1914. Quelques années plus tard, Ajalbert se souvient de cette rencontre insolite qu'il évoque dans un article à la tonalité nostalgique où il parle de Lautrec avant de déterrer un Jossot dûment orientalisé : "Le Crépuscule des Indépendants". Ajalbert (Jean), Le Crepuscule des Indépendants, L'Echo de Paris, 2 mars 1921

Jossot reçoit l'article par l'argus de la presse et se fend d'une lettre dans laquelle il se moque de l'exotisation un peu forcée dont il fait l'objet : « Evidemment, l'ascétisme fait bien dans le paysage ; mais, entre nous, je n'ai rien d'un fakir. »

Lettre de Jossot à Ajalbert, 1921 Lettre de Jossot à Ajalbert, 1921

En réalité, quelques années après leur rencontre à Tunis, Jossot profite de l'évocation nostalgique de son ami pour se livrer à une subtile piqûre de rappel. En effet, ainsi qu'il apparaît dans une lettre à Clément-Janin datée de 1925, lors de cette visite, Ajalbert s'est proposé de prospecter les éditeurs parisiens pour le compte du caricaturiste.

Ce pauvre « Sentier d’Allah » je l’ai proposé à tous les éditeurs : sur la recommandation de Ajalbert que j’avais rencontré à Tunis, Fasquelle l’avait accepté ; mais comme il tardait trop à le faire paraître, je lui avais retiré pour le donner à notre compatriote Rey, le libraire du boulevard des Italiens. Au bout de trois ans Rey finit par m’avouer qu’il ne disposait pas des fonds nécessaires pour le publier. Il faut vous dire qu’au texte étaient joint de nombreux dessins d’une reproduction difficile.

Les dessins et le manuscrit passent successivement dans les mains de Crès, puis chez Vollard. L'artiste finit par dépêcher un intermédiaire pour les récupérer. Que sont-ils devenus après son décès ?... mystère... publier Le Sentier d'Allah avec les illustrations initialement prévues reste un projet éditorial dont on peut encore rêver...

Dans Goutte à goutte, Jossot évoque aussi cette rencontre à Tunis avec Ajalbert et se montre manifestement flatté de la réussite de son déguisement, de l'effet de surprise qu'il parvient à provoquer :

Survint la guerre, la bonne petite guéguerre fraîche et joyeuse de 1914. Elle fit diversion à Tunis : on m'oublia quelque peu, mais à Paris, on s'occupait encore de moi. La Renaissance publia cet écho :

« Un français, visitant les souks de Tunis, est abordé par un cheikh musulman qui lui dit :
- Bonjour Ajalbert : vous ne me reconnaissez pas ?
- Pas du tout, répond l'académicien Goncourt intrigué et ne s'expliquant pas comment il peut être connu de cet arabe s'exprimant correctement en français.
- Voyons, souvenez-vous. Quand vous étiez conservateur de la Malmaison, vous avez déjeuné chez moi, à Rueil, avec notre ami commun, Lhermitte.
- C'est vous Jossot !... Du diable si je vous aurais reconnu sous ce costume.
- Je me suis converti à l'Islam et me suis fixé à Tunis. »

Ajalbert appela un officier vêtu de bleu horizon qui, par discrétion, se tenait à quelque pas. Il nous présenta l'un à l'autre : Jossot-Pierre Mortier.
Après m'avoir serré la main, Mortier tira un crayon de sa poche et, sur le mur le plus proche, imita ma signature.

En comparant cette citation avec la coupure originale de 1917, tirée du journal La Renaissance politique, économique, littéraire et artistique, on voit que l'artiste a très largement simplifié et supprimé des détails intéressants :

Ajalbert (Jean), Une conversion, La Renaissance, 03_02_1917, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5697710w/f10.item Ajalbert (Jean), Une conversion, La Renaissance, 03_02_1917

L'article évoque sa nièce, Mlle Myriam Jousserand qui s'est mariée à Hamouda Skandrani, traducteur au tribunal indigène de l’Ouzara et proche des indépendantistes. Précisons qu'en 1918 l'artiste dénombre seulement trois mariages mixtes à Tunis... mais il s'agit d'un autre sujet pour un autre billet ! Autre détail intéressant : à l'époque où Jossot dit avoir abandonné la caricature et la peinture, il travaille à une tapisserie...

Dans les années 30 Ajalbert publie plusieurs volumes de Mémoires et devient pétainiste...

Pour aller plus loin, on peut lire le portrait littéraire rédigé par Bernard Lazare dans Figures contemporaines : ceux d'aujourd'hui, ceux de demain, Paris, Perrin, 1895 :

1er juin 2016 : Jossot inventeur de la caricature appliquée

Conférence au Musée des Arts décoratifs, Salle de conférences à 18h30, où il sera question de la caricature décorative de la fin du XIXe siècle qui s'accompagne d'une notion héritée de l'art classique : la laideur bienséante. Notion qui permet de comprendre l'accueil mitigé que reçurent les affiches expressionnistes de Jossot. On constatera également l'ambiguïté de la déformation caricaturale appliquée à l'affiche commerciale. Enfin, j'essaierai de montrer en quoi les affiches de Jossot sont une partie d'un projet esthétique plus global consistant à faire de la caricature un art appliqué. affiche pour le journal Le petite Matin, 1898

Expo : De la caricature à l’affiche 1850-1918

Les principales affiches de Jossot seront visibles dans cette exposition qui se tiendra au Musée des Arts Décoratifs, du 18 février au 4 septembre 2016.

affiche pour l'exposition De la caricature à l’affiche 1850-1918

Argumentaire :

Le musée des Arts décoratifs propose de mettre en lumière l’apport des caricaturistes à l’histoire de l’affiche entre 1850 et 1918. Le début du siècle voit s’éteindre ou se retirer de la scène, Toulouse Lautrec, Chéret, Mucha. L’absence de leurs images crée alors un sentiment de vide d’autant plus fort qu’elles étaient omniprésentes sur les murs de la ville. Un vide qui a laissé s’installer l’idée que l’art de l’affiche est resté moribond jusqu’en 1918. C’était mal connaître le rôle joué par les dessinateurs de presse et les caricaturistes durant cette période. Les annonceurs d’alors repèrent leur trait acerbe, leur maitrise du raccourci, leur art de l’ellipse, qui rejoignent les premières théories publicitaires. Ces dessinateurs prennent le relais et renouvellent le genre en profondeur. Parmi eux Jossot, Sem, Barrère, Guillaume, Gus Bofa, Roubille, ou Cappiello. Réalisée à partir des collections du musée, l’exposition retrace ce moment de l’histoire de l’affiche intimement lié à l’histoire de la presse, aux contextes politiques et économiques depuis 1850

Voir le site du Musée pour en savoir plus...

Dans les musées américains...

Jossot entre peu à peu dans les musées américains : Le Salon des Cent, La Critique et le Pain d'épice Auger au Moma, Arsène Saupiquet et Les Harpistes au Art Institute of Chicago, La Vague au Portland art museum

Projection à la Société civile des auteurs multimédia (SCAM)

Projection du film de Marc Faye le mercredi 16 septembre 2015 à 19 h 30 salle Charles Brabant à la Scam 5, avenue Vélasquez à Paris (métro Villiers ou Monceau) Un cocktail sera proposé à l’issue de la projection / Nombre de places limité Réservation impérative à alienor@novanima.com ou au 06 99 48 20 11

Jossot à Quito et Guayaquil, en équateur

Le Film de Marc Faye a été sélectionné au festival EDOC en Équateur « Encuentros del Otro Cine » qui se déroulera du 20 au 30 mai 2015 à Quito et Guayaquil en Équateur

Les enchères de mai-juin 2015

Deux toiles de Jossot sont récemment passées en vente : une scène assez courante chez Jossot, représentant un marabout de Nefta, peint dans la facture "crépissée", très statique, qui est peut-être la sienne entre 1920 et 1925. Marabout à Nefta par Jossot Les natures mortes type bouquet sont en revanche beaucoup plus rares ou moins connues dans l'oeuvre de Jossot. Une seule est connnue, de très petit format, dans un très mauvais état et fort maladroite. Dans celle-ci la touche ne cherche pas à s'effacer, mais à donner du mouvement au sujet. Pour des raisons documentaires et scientifiques, nous invitons le nouveau propriétaire de cette oeuvre à nous communiquer une photographie de bonne qualité. Bouquet, vente demarteau 2015 Maître C. Tillie-Chauchard 61x50 cm

20-29 mars 2015 : Jossot à Genève

Le documentaire de Marc Faye est projeté dans le cadre de la 10ème édition du Festival International du Film Oriental de Genève (FIFOG), du 20 au 29 mars 2015.

affiche du Festival International du Film Oriental de Genève

Février 2015 : film et exposition en Bourgogne

Le documentaire de Marc Faye sera télédiffusé le 27 février à minuit sur France 3 Bourgogne et l'exposition Jossot renouvelée au Conseil Régional de Bourgogne, du 6 Février au 23 mars 2015.

7 janvier 2015 : Hommage à Charlie Hebdo

« Le fumier hâte l'éclosion des fleurs : souhaitons que de l'actuelle pourriture humaine jaillisse une belle gerbée de redoutables caricaturistes. », Jossot, L'Estampe et l'Affiche, n°12, 1897. Dessin de Charb pour l'exposition Jossot de 2011

Je publierai ici les dessins que tous les dessinateurs voudront bien envoyer en hommage à Charlie Hebdo : gustave.jossot[at]free.fr. J'espère que les dessinateurs de culture musulmane sauront aussi s'exprimer pour condamner tous les extrémismes. Je crois que nous avons besoin de les entendre, nous avons besoin de leur courage. Nous avons besoins qu'ils nous rassurent en prouvant qu'on peut encore être, comme Jossot, caricaturiste et musulman.

les oies de Jossot par Cardon

Dessin de Cardon paru dans le Canard enchaîné, 1989.

les oies de Jossot par Riss

Dessin de Riss à l'occasion de l'exposition Jossot, 2011.

les oies de Jossot par Riss

Dessin de Honoré à l'occasion de l'exposition Jossot, 2011.

Jossot, de Gustave à Abdul Karim, sera télédiffusé sur Bip Tv et visible en ligne gratuitement sur www.biptv.fr ce Vendredi 9 Janvier à 20H50

Périgueux, Mardi 4 Novembre 2014 à 18H30

A l'occasion de l'ouverture du mois du film documentaire en Dordogne, le film de Marc Faye a été retenu parmi la sélection de Pierre Carles. Le choix du réalisateur est guidé par les thématiques présentes dans l’ensemble de son œuvre : critique des médias, filmer la vie et l’art comme condition d’émancipation.

« Jossot de Gustave à Abdul Karim », a été retenu pour ouvrir le festival.

La projection aura lieu à la Bibliothèque de Périgueux à 18H30 en présence du réalisateur et de Pierre Carles.

L'entrée est gratuite et ouverte à tous.

Point presse sur le film de Marc Faye

couverture du dvd de Marc Faye sur Jossot

Jossot à Blois

Malgré quelques couacs dans l'organisation (pas d'exposition pourtant annoncée dans le programme, première projection annulée, lieu de projection non fléché...), le film sur Jossot a été projeté deux fois aux rendez-vous de l'histoire à Blois, consacré cette année aux "rebelles". La bibliothèque de l'Abbé Grégoire a organisé un after avec une projection supplémentaire.

Carrière, le maître désavoué de Jossot ?

portrait d'Eugène Carrière

Jossot a commencé sa carrière à l'époque où les symbolistes sont à l'avant-garde. Il arbore alors les signes vestimentaires des rapins symbolistes : cheveux longs, lavallière... Il fréquente aussi un atelier libre où Carrière vient "corriger" deux fois par semaines. Simultanément, l'artiste commence à se moquer de la préciosité de ses condisciples et de leurs maîtres. S'opposant aux figures graciles et à la subtilité émotionnelle des "peintres de l'âme", Jossot développe en 1896 une esthétique de la brutalité. Dans ses Mémoires rédigées vers 1950, le caricaturiste n'est pas tendre avec Eugène Carrière...

Affiche de l'exposition Carrière

L'exposition L'Académie Carrière, une fenêtre sur les Fauves et les femmes artistes se tiendra du 21 septembre 2014 au 31 janvier 2015, ouvert vendredi et dimanche de 15 h à 18h. Elle resitue l'originalité de l'enseignemnet d'Eugène Carrière, "académie" très ouverte qui a formé bon nombre des futurs peintres fauves. Preuve de l'indépendance d'esprit de son fondateur, l'atelier était mixte et un quart de ses effectifs était féminin. C'est l'occasion de découvrir des talents féminins encore oubliés de l'histoire de l'art.

27 mai 2014 : La première du film !

Carton d'invitation de la première du film d'animation sur Jossot

Marc Faye lance son documentaire intitulé Jossot, de Gustave à Abdul-Karim, le 27 mai 2014, à 18h00... au Conseil Régional de Dijon !

Qui l'eut cru ? Jossot reconnu en son propre pays !... célébré, accueilli dans la salle des séances des élus du Conseil régional de Bourgogne ! Il faut absolument voir cela, d'autant que le réalisateur (qui fait bien les choses) accompagne l'événement d'une petite exposition consacrée au caricaturiste : Jossot, l'artiste révolté. Elle présente ses plus belles planches de L'Assiette au Beurre, du 20 mai au 11 juin et voyagera probablement à Louhans.

La Bande annonce du film

Le film sera télédiffusé sur France 3 bourgogne le Samedi 31 mai à 15h20. ADSL : Free 306 - Bouygues 475 - Bbox 175 - Orange 306 - Sfr 306 Canal sat 355 - TNT sat 306 - Numéricable 915

Jossot, de Gustave à Abdul Karim / par novanima sur Vimeo.

Pour se procurer le DVD, rendez-vous sur la boutique de Novanima.

SYNOPSIS:

Nous sommes en France à la veille de la promulgation de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État. Gustave Jossot, caricaturiste et affichiste de talent, anticlérical, anticonformiste et contre les autorités de toutes sortes, réalise l’une des premières affiches politiques illustrées en France : « A bas les calottes ! ».
Quand, en 1911, il s’installera définitivement en Tunisie et se convertira à l’Islam en 1913, il agira encore à rebours des idées de son temps. Ce film explore l’univers de l’artiste entre Occident et Orient.

Documentaire de création / HD / VF / Vst anglaise / 52min40sec / Supports de projections : DCP - Blu-ray - DVD
En coproduction avec Girelle production / France Télévisions / Bip Tv / Tv Tours
Avec le soutien de la Région Aquitaine / Ecla / Région Centre / Ciclic / Région Bourgogne / Commission du film en Bourgogne / CNC / Procirep Angoa

Le film est aussi disponible pour le mois du film documentaire, la fête du cinéma d'animation ou autres manifestations. Vous pouvez consulter Novanima pour l'achat de droits pour des prêts ou consultations du dvd pour les médiathèques.

Janvier-février 2013 :
Jossot serait en prison aujourd'hui !

bannière du comité de soutien à Jabeur Mejri

Français de Tunisie, caricaturiste et musulman, musulman puis athée, Jossot serait sans doute lapidé aujourd'hui... Jabeur Mejri et Ghazi Beji ont en effet été condamnés à 7 ans de prison pour avoir fait profession d'athéisme sur Facebook et en exerçant leur métier de caricaturiste. L'un est en exil, l'autre en prison pour "atteinte aux bonnes moeurs", "outrage à l'ordre public" et "offense à autrui via les réseaux publics de communication". N'est-ce pas insultant pour l'islam que ses adeptes puissent s'offenser de quelques croquis peu amènes ? la sagesse dont les religieux se prévalent devrait les placer bien au dessus de ces contingences... Leur colère même jette un discrédit sur leurs prétentions à définir les normes comportementales et les critères de la liberté d'expression. "Il ne faut pas confondre liberté d'expression et anarchie", estime Me Foued Cheikh Zouali, l'avocat à l'origine de la plainte. Il ne faut pas non plus confondre islam et hiérarchie. L'islam du temps de Jossot ne témoignait-il pas de plus de sagesse en se montrant assez vaste pour accueillir un libertaire parfois qualifié d'anarchiste ?... et en souffrant que l'artiste, irrémédiablement insatisfait, puisse déserter cette religion d'adoption...?

Quelques dessins parmi tous ceux que vous publierez sur ce site...

dessin de Bauer dessin de Faujour dessin de Pakman dessin de Z dessin de Tawfiq Omrane

Décembre 2013 : Beurrez-vous les pattes sur Gallica !

L'Assiette au beurre est intégralement en ligne sur Gallica ! Les dix-huit numéros dessinés par Jossot sont donc disponibles partout sur la terre... voici qui pourrait faciliter l'étude de ce journal !

Actualité de 1981 : L'Assiette au beurre

Un documentaire sur l'Assiette au beurre par Jean-Michel Royer et Gérard Pignol, qui s'appuie sur les premières études, réalisées entre 1975 et 1985, par Elizabeth et Michel Dixmier et Gisèle Lambert. On y découvre encore une interview de Tim, de Siné, de l'équipe du Père Denis, ainsi que la rédaction de Hara-Kiri au travail...

Octobre 2013 : L'individualisme est à l'honneur...

Jossot, Assiette au beurre, Les poivrots

Dans un cycle de conférences intitulé Individualisme et coopération, La Bibliothèque des Amis de l'Instruction interroge l'articulation entre les courants associationnistes, mutuellistes, coopératifs, et l'individualisme libertaire. Au programme, des conférences sur Stirner, Palante, Han Ryner, sur les pratiques autodidactes des individualistes, sur Jehan Rictus et Panaït Istrati. Le programme détaillé est consultable ici.

Un documentaire sur Jossot

Marc Faye, qui a déjà réalisé des documentaires sur deux célèbres dessinateurs, O'Gallop et Benjamin Rabier, s'attaque maintenant à Jossot. Novanima et Girelle production vont bientôt animer le cerne de Jossot !

Jossot libellista

Massimo Cardellini poursuit son oeuvre de passeur de culture en publiant sur son Blog letturagrafica, la préface de Sauvages blancs traduite en italien.

Les papiers nickelés de Jossot

couverture des papiers nickelés, n°37, 2013

Un article dans Les Papiers nickelés destiné à présenter Sauvage blanc !, le dernier livre de Jossot paru chez Finitude. J'y résume les contradictions les plus frappantes de l'artiste pour tenter d'en expliquer la logique...

Han Ryner et Jossot

Il y a quelques années, j'ai rencontré Clément Arnoult qui tient un blog sur Han Ryner. Ces échanges ont été publiés dans le désormais défunt Grognard. Nous savions que Jossot avait envoyé son Sentier d'Allah au philosophe et qu'ils avaient collaboré aux mêmes journaux pacifistes. Quelques mois après notre rencontre, Clément m'a communiqué deux lettres de Jossot à Han Ryner. Le caricaturiste y sollicite la plume de son collègue pour une revue intitulée L'Appel au Coeur. Han Ryner a visiblement décliné l'offre et la revue n'a apparemment jamais vu le jour. En travaillant à l'édition de Sauvages blancs !, j'ai pu constater que Jossot avait parfois des formules directement importées du Petit manuel individualiste, (récemment réédité chez Allia). Je suis enfin retombé sur des notes prises lors d'une traduction orale d'un autre texte de Jossot, rédigé en langue arabe : Ma Conversion.

page de titre de Ma Conversion

Jossot y décrit son cheminement spirituel et évoque l'époque où, délaissant la caricature, il éprouve le besoin de lire. C'est donc en 1905 qu'il découvre Le Petit manuel individualiste, fraîchement sorti de presse :

« L’écrivain encourage à imiter Socrate, Epicure et Jésus. Socrate m’a ennuyé avec sa philosophie logique. Epicure m’a fatigué par son attachement à la philosophie de l’affirmation quand Epictète m’a révulsé par l’absence de toute sensibilité. Jésus m’a plu parce que ma haine pour la vie s’est intensifiée à cause de l’étroitesse d’esprit des gens de mon époque. Je me suis trouvé en position de fuite devant ma conscience, de refuge dans le cerveau ».

Même si un allez-retour entre français et arabe déforment pas mal le propos initial, je crois qu'en attendant une traduction plus précise, nous pouvons déjà considérer que Le Petit manuel individualiste a profondément marqué la réflexion du caricaturiste.

couverture de Comment te bats-tu ? et autres textes de Han Ryner, édition du grognard

Le recueil d'articles rassemblé par Clément Arnoult et publié en 2010 par Le Grognard, donne raison à la dédicace de Jossot « à Han Ryner dont la pensée, malgré les apparences, est soeur de la mienne ».

Face à la justice

Abandonner l'individuel et le particulier, c'est tout abandonner. Si nous ne sommes prêt à protester et à agir devant chaque injustice, tout devient inutile, même la Révolution. Elle ne ferait que changer le nom et la personne de nos tyrans, de ceux à qui notre négligence livre le détail, c'est à dire à tout.

Il y a plus d'un moyen de déposer ou de supprimer un tyran. La plupart de ces moyens nous livrent à un autre. Mais il y a un moyen – un seul – de tuer à jamais le tyran : c'est de le tuer en nous.

Ceux qui ne veulent plus de tyran, qu'ils cessent d'avoir des âmes de laquais ; des silences de valets, des consentements de soldats et d'esclaves.

Le Journal du peuple, 18 novembre 1921.

bois de Gabriel Belot tirée de Crainquebille dans une collection des oeuvres complètes d'Anatole France

Révolutions
sans révolutionnaires.

Voulez-vous toute l'âpre et désolante vérité ? L'histoire moderne ne nous présente que des semblants de révolution, parce qu'elle ne saurait découvrir de vrais révolutionnaires.

Je connais l'objection suivante. Il paraît que hier et aujourd'hui « ça n'est pas la même chose ». Sans intérêt et sans enseignement, les révolutions d'hier. Elles étaient politiques. La prochaine sera sociale. Les questions étaient mal posées. Aujourd'hui elles sont bien posées.

Je voudrais me laisser rassurer, me laisser injecter un peu d'espérance. Je n'y parviens pas. Je ne réussirai jamais à donner à l'étiquette d'un mouvement l'importance que lui attribuent certains camarades. Essayons pourtant. Ce que vous dites sur la différence des révolutions passées et de la révolution prochaine doit faire attendre des futurs mouvements catastrophiques des résultats sociaux analogues aux résultats politiques des révolutions précédentes.

Mais nous ont-elles donné la liberté politique qui était, dites-vous, leur seul objectif ? J'ai peine à trouver Robespierre ou Napoléon 1er moins tyranniques que Louis XVI. Où est le résultat des « trois glorieuses » ? Un « roi des Français au lieu d'un « roi de France ». Ca fait bondir votre cœur ?... Quarante-Huit plante hâtive, fleurit en Empire plus rapidement que Quatre-Vingt-Treize. Qu'est-il sorti du Quatre Septembre ? La tyrannie sanglante de Thiers, la tyrannie tâtillonne de l'Ordre Moral et, jusqu'à l'immonde dictature que nous subissons, combien de tyrannies... d'avoir été plus ridicules qu'odieuses, quelques unes, je le sais, deviennent presque charmantes à nos souvenirs. Charmantes comme la bonté familière de Henri IV ou la lourde faiblesse de Louis XVI... un Badinguet cinq ou six (je me perds, moi, dans ces gros numéros) serait-il pire que le Gâteux « d'ans et d'honneurs chargés » ?

Ni pire ni meilleur. Ou plutôt, selon les fantaisies du hasard, un peu meilleur, un peu plus mauvais, sans que nul mathématicien ne puisse calculer les probabilités d'avoir un peu mieux, d'avoir un peu plus mal.

Les révolutions politiques ont changé de main l'autorité publique et elles ont modifié son nom officiel. Une révolution sociale détruira la propriété de la même façon que les révolutions politiques ont détruit le pouvoir personnel. Le peuple, après cet effort, sera propriétaire, exactement comme, après les quatre efforts politiques, il est « souverain ». On parlera par discours et par affiches au glorieux « peuple propriétaire ». Nous jouirons d'une fiction de plus. Nous rirons, si on nous permet de rire, d'un nouveau mensonge.

l'Assiette au beurre, Passementerie, n°102, 14 janvier 1903

Je suis trop indulgent pour le distingo qui voudrait me faire espérer. Il n'est pas vrai que les révolutions précédentes n'aient eu qu'un pauvre objectif, et trop restreint, et exclusivement politique. Liberté, Egalité, Fraternité : la formule est aussi complète qu'on la peut désirer. Que réclamez-vous de plus ? Qu'on nous donne cela, je me déclare satisfait. Et vous aussi, réfléchissez. Non, ce n'est pas le programme qui a manqué. Ce sont les hommes et c'est le peuple.

Pourquoi, après quatre triomphes, le programme victorieux reste-t-il rêve fuyant et idéal inaccessible ? Je vous le dis en confidence : la République était belle avant qu'on eût donné son nom à je ne sais quoi qui, sans elle, n'aurait de nom dans aucune langue. Malheureusement il n'y avait pas de républicains. Beaucoup portaient ce titre. Quelques uns avaient de vagues sentiments républicains. D'autres, moins nombreux, portaient de fortes théories républicaines. Mais qui donc avait une solide et constante volonté républicaine ? Cherchez et vous ne trouverez pas.

Il y avait des ambitieux, les chefs ; des mécontents et des révoltés, les troupes. Mais celui qui ne luttait pas pour une ambition personnelle, qui n'était pas non plus le fiévreux, l'agité, l'homme qui déplace au hasard son malaise et, après des efforts ridiculement tâtonnants, s'immobilise dans sa fatigue, le vrai révolutionnaire, celui qui, d'une âme ferme, voulait l'amélioration du sort universel, où était-il ? Faite par des républicains sans profondeur, la République ne fut qu'un mot. La foule, toujours empressée de se faire duper, en jouit pendant longtemps. Les plus difficiles devinrent radicaux ou intransigeants. Le second des ces mots est mort politiquement. Ce que désigne le premier n'est pas difficile à trouver : baissez-vous, plus bas, plus bas, et regardez dans la boue.

Que désignera demain, que désigne aujourd'hui l'épithète de socialiste ? Depuis qu'on leur a tué Jaurès, combien trouverez-vous de socialistes de volonté ? Combien, même avant la guerre, s'étaient « adaptés » ? Combien n'attendaient qu'un portefeuille – ou même, rigide Guesde, un ridicule ministère sans portefeuille – pour s'adapter joyeusement ?

Jossot, L'assiette au beurre, Panurgisme

Même parmi les anarchistes, croyez-vous qu'il y ait beaucoup d'âmes profondes et de volontés durables ? Combien de camarades resteraient anarchistes après-demain s'ils héritaient demain d'un petit million ? Prenez garde. Une révolution violente c'est, comme une guerre, occasion de gagner ou d'espérer gagner. C'est corrupteur, une révolution violente. Autant qu'une guerre. Combien avez-vous d'incorruptible ?... Supposons qu'on nous donne la révolution toute faite et dites-moi ce que nous en ferons.

L'expérience des « milieux libres » me fait trembler. Leurs membres seuls connaissent le détail de leur histoire. Nous savons que tous ont dû se dissoudre à la suite de querelles intestines. La société future que nous espérons, qu'est-elle ? Un vaste milieu libre d'où, ô ironie ! on n'aurait pas la liberté de s'évader. Une association libre, mais forcée, non plus avec quelques camarades sympathiques et évolués mais avec tout le monde, avec tout ce troupeau d'imbéciles et de volontés inertes. Le collage le plus choisi ne nous réussit pas. Et vous espérez quelque chose d'un mariage sans divorce avec tant d'êtres de hasard !...

Nous sommes incapables de faire la Révolution. Nous sommes incapables de conserver, si on nous les offrait, les résultats d'une Révolution toute faite.

Les prochains mouvements – voilà qui me fait trembler – ne dépendent pas de nous. Ils seront déclenchés, comme les précédents, par la folie et l'incohérence des gouvernants, non par la sagesse et la ferme volonté de révolutionnaires qui n'existent pas.

Il y en a qui crient : Révolution ! Révolution !

Je dis à chacun d'eux : connais-tu un vrai révolutionnaire ? Ne cherche pas autour de toi, tu ne trouverais pas. Regarde en toi-même et réponds, si tu l'oses.

Notre voix, 29 juin 1919

Jossot Cul de lampe

Hommage à Jossot par Marc-Edouard Nabe !

J'avais trouvé trace, il y a déjà quelques temps, de l'intérêt de Marc-Edouard Nabe pour Jossot, sans parvenir encore à mettre la main sur l'ouvrage en question : Nabe’s dream, Journal intime. Après quelques échanges avec l'amie Tilly qui avait déjà remarqué certaines accointances graphiques entre les deux hommes, la voici qui livre sur son blog ce vibrant hommage à Jossot :

J'attends [Hélène] dans une librairie où je trouve une revue d'"art mineur" consacrée à Jossot !

Dessin de Marc Edouard Nabe

Jossot ! J’ai failli pleurer ! C’est toute mon enfance qui me revient dans la gorge à ces deux syllabes rouges et noires ! Aujourd’hui, à deux mille kilomètres de mes quinze ans, je suis bien loin de Jossot et pourtant en feuilletant ce très bien fait catalogue, je constate que mon cœur est bien à la même place. Je garderai j’ai l’impression pour toujours cette couleur anar, j’aurai toute ma vie et pour mon grand bonheur les doigts encore bien gras de ce beurre dont l’assiette fut mon auréole. Revoir ces dessins qui m’étaient sortis de l’œil m’a remué, comme un alcool. Je ne connais personne qui puisse regarder ça comme autre chose que des vieilleries libertaires, dépassées, puériles, grossières et en effet ! Un dessin de Jossot au milieu des jeunots cools en walkman du socialisme d’aujourd’hui est en effet plus anachronique qu’une Ferrari au Moyen-Age !...

Mais pourtant, malgré ma tendance romantique à m’émouvoir sur le suranné touchant, mon chemin a trop à devoir à Jossot et à sa bande pour que j’en reste là. Ce n’est pas sans raison que je me bute à cette nostalgie : j’ai été formé à l’école “assiette”, par Bob, Gébé, Strelkoff, Fred et mon talent de dessinateur humoristique ne voulait pas sortir de la grande tradition des pleines pages vitriolantes. J’étais incorruptible. Le dessin humoristique étant pour moi une nécessité hygiénique, pubère, farouche. Je l’ai étouffé en moi à seize ans, parce que l’artisanat — quel qu’il soit — me révulse, mais sans jamais renier ces centaines d’horreurs que j’ai fixées sur des papiers brûlants et dont la candeur tonique n’échappa pas à Hara-Kiri. Comment pourrais-je rester, même aujourd’hui, insensible à la naïveté primaire et brutale de Jossot qui fut mon maître en la matière ? Des dessins grands et clairs, impitoyables, où l’on respire. Sains, sains, sains à mort, gais et cruels, comme j’aime. Jossot fait partie de ces “rigolos” qui dépassent de cent coudées bien des gambergeurs présomptueux. Je donne tout Sartre, Camus et consorts contre une pièce de Courteline, un aphorisme d’Oscar ou une vignette de Jossot ! Moi ça ne m’impressionne pas le mépris toiseur des faiseurs et faux cassis !... Et si l’on regarde dans sa spécialité, il n’y a pas un dessinateur aujourd’hui qui touche à la grâce de Jossot. Même Sempé, Bretécher, et autres “sociologues”... Jossot tape dans l’ensemble. C’est un symboliste de toutes les ordures. Pour ses dessins, il n’y a pas un militaire, un curé, un juge de bon !... J’aime chez Jossot son refus d’anecdotiser  ses dégoûts. Il fait dans le général, c’est une leçon que saura retenir Siné, et par lui moi, nous trois anticaricaturistes, bêtes aveugles butées...

Dessin de Marc Edouard Nabe

Même le dessin — aussi irréprochable que l’esprit — de Jossot se démarquait des hachureurs de fusains des mecs de l’époque : Jossot déploie un trait unique, un pinceau chinois en sang qui se veut gothique, roman et “nouille” à la fois, large cerne d’un Emile Bernard sorti du chaudron !... Sinueux sans pitié ! Cloisonniste modern style rouge comme la haine et noir comme l’amour ! Rouault paraît-il admirait Jossot. Bien sûr ! Il y a du Jossot dans le formidable Monsieur X. de Rouault (les binocles, le col...) Tous les médiévaux se recoupent. Je pense à Bloy aussi qui a partagé plusieurs numéros de L’Assiette avec la Gargouille anti-”borgeois” de la cathédrale d’anarchie. Jossot était d’ailleurs un type spécial. J’ai découvert dans sa biographie son trajet bizarre, ses contradictions dans lesquelles je nage comme un poisson. Anticlérical et religieux, anticapitaliste et antisyndicaliste, anar, anti-anar et contre-anar, et le plus drôle musulman en 1910 ! Il fallait le faire ! Plus toqué que Loti ! Sa passionnante correspondance avec Jehan Rictus montre un dégoût pour l’Occident dont la violence et la précocité font froid dans le dos. Rebaptisé Abdoul-Karim Jossot, il optera jusqu’au bord des cultes, qui décidément sont de toute éternité détestables, pour la contemplation bovine de l’islam imperturbable. Son enthousiasme est convaincant : il n’y a que des “adultes responsables” pour ne pas se laisser convaincre par l’enthousiasme... Jossot n’était pas vraiment un peintre rentré. Ça n’a pas été un Juan Gris raté, non ! Son truc était vraiment le jeu de massacre gras et salaud, qu’il s’en soit fatigué est normal en quatre-vingt-cinq ans d’existence. Jossot était en revanche bien étoffé d’un sens inné de l’écriture. Je voudrais lire ses bouquins, son Goutte à Goutte et surtout son Fœtus récalcitrant ! Il y exprime sa philosophie “à la petite semaine”, la seule philosophie supportable ! Celle d’un sans étiquette absolu qui n’a jamais cessé, de l’anarchisme au soufisme, de souligner, d’encercler, d’encadrer l’ignominie des artistes, des juges tapinophages, des militaires, des colons, des féministes, des alcoolos, des francs-maçons et même des prolos !...

Il suffit de voir la mince de trogne de Jossot ! Vieux sculpteur “yeux pâles” d’une bonté inouïe, dégorgeant barbu en fez ou turban, appuyé sur sa canne inutile, vif octogénaire tunisien rien-à-foutriste !... Jossot, mon frère, je te salue du fond de l’enfer ! Moi aussi je suis un fœtus récalcitrant ! En 1984, encore plus récalcitrant et je les emmerde tous ! Vive les has been de ton genre ! Comme Bob ! Au moins vos intentions sont pures ! Que crèvent les électroniciens de la finesse, les rockers de la fausse violence, les progressistes du snobisme arrière ! Aujourd’hui où l’on rafistole les vieilles valeurs que tu dégommas en beauté, où l’on respecte les prêtres et les militaires, où l’on pleure les handicapés et les flics, tes dessins sont INDISPENSABLES plus que jamais pour entretenir l’éveil frais et la dent dure, délier la langue pleine de venin. Feuilleter cet album de dessins de rampouilles et d’ouvriers sinistres, faire-part lumineux d’une société arriérée qui se croyait à la page me sauve ma journée. Jossot ? Seau de joie !
[...]

In: Nabe’s dream, Journal intime, tome premier (juin 1983-février 1985), pages 386-388, (c) Marc-Edouard Nabe

Finitude persiste et signe !...

Après Le Foetus récalcitrant publié en 2011, les éditions Finitude s'intéressent à un recueil d'articles publiés par Jossot dans la presse tunisienne, entre 1911 et 1945. Ces chroniques prennent la suite de ses caricatures et en sont complètement imprégnées... le lecteur y retrouvra le même humour, la même détermination à dénoncer les comportements grégaires de ses contemporains, la même scélérité à fustiger les abus de pouvoir et les logiques économiques qui mènent l'homme à sa perte... Un beau volume de pamphlets sortira du chaudron en avril 2013 et peut-être un second en 2014 !

couverture de Sauvages blancs

Un nouvel article sur Jossot et Beardsley (21/02/2013)

pancarte

Parodies créatrices entre symbolisme et modernité graphique. Cet article a fait l'objet d'une non-publication. Il devait initialement être inséré dans les actes de la journée d'étude organisée par le Centre Inter-universitaire de recherches en Histoire de l'art contemporain (CIRHAC), le 10 juin 2006, intitulée La Satire, Conditions, pratiques et dispositifs, du romantisme au post-modernisme XIXe-XXe siècles Pour des raisons non élucidées, ces actes n'ont pas vu le jour. Faute d'avoir un corps de papier, cette contribution a maintenant un visage...

Ventes de janvier 2012...

Ce mois de janvier 2013, deux oeuvres nouvelles concernant Jossot sont passées aux enchères. L'une ressemble à une aquarelle, datée de 1897, mais étrangement signée. L'autre est un portrait de Jossot par son ami le plus proche lorsqu'il était en Tunisie, le peintre Ernst Vilhelm Brandt sur lequel j'essaye de rassembler des informations. Pour des raisons uniquement documentaires et scientifiques, j'invite les anciens et les nouveaux propriétaires à me contacter

vente ebay 2012 vente Corbeil 26012012

Jossot Dionyversitaire...

Non, ce n'est pas encore une secte à laquelle Jossot aurait adhérée... juste le compte-rendu d'une conférence à l'université populaire de Saint-Denis: voici donc le quatre pages de la Dionyversité

Un Foetus remporte le prix Reiser !

Le Foetus récalcitrant a remporté l'anti-prix décerné par Siné Mensuel ! Il s'agit d'un pied de nez adressé aux prix officiels et à leur pouvoir de légitimation : « les décerneurs de prix sont des décerveleurs au même titre que les big boss de la téloche et du foot. Nous leur crachons à la fiole et à celle de tous les marchands « d'asphyxiante culture » en distribuant nos anti-prix littéraires mal léchés. », explique Noël Godin.

Jossot à Mineapolis !

La Vague de Jossot est exposée à Mineapolis dans le cadre d'une expostion sur le Japonisme.

Après l'exposition Jossot, on en parle encore !...

3 juillet 2011 : L'exposition Jossot est terminée !

Voici plus de deux ans que j'ai posté les premiers courriers visant à donner une suite dijonnaise - c'est la ville d'origine de Jossot - à l'exposition Jossot. Malheureusement, le projet vient d'échouer, victime d'une série de lourdeurs administratives et d'un manque d'entente entre les différents acteurs : c'est dommage pour Jossot, pour les Dijonnais et pour ce travail collectif qui aurait pu trouver là une seconde consécration...

Si vous n'avez pas pu voir l'exposition, le livre paru à cette occasion, constitue un très bon lot de consolation : profitez-en, il vient d'être réimprimé et sera probablement vite épuisé !

Prolongation de l'exposition jusqu'au 2 juillet

L'Exposition Jossot, présentations et détails pratiques...

affiche expo Jossot

Revue de presse sur l'exposition Jossot...

Jeudi 16 juin 2011, 12h50-13h30

Jossot sur France-Culture, Emission La Grande Table, présentée par Caroline Broué et Hervé Gardette

Dimanche 29 Mai 2011, 15h00

Conférence sur Jossot à la Dyoniversité, (Université populaire de Saint-Denis)
Musée de Saint Denis, 22 bis Rue Gabriel Péri, 93200 Saint-Denis, Métro Porte de paris,
Téléphone : 01 42 43 05 10 / 01 42 43 37 57

Mercredi 25 mai 2011, INHA,
Revues : Outils et objets de l'Histoire de l'art,
Séminaire sur les revues d'histoire et de critique d'art

Les revues satiriques à l'aube du XXe siècle

Laurent Bihl (chercheur indépendant) et Henri Viltard (chercheur indépendant)

Séance conduite par Laura Karp Lugo (INHA)

Pour bon nombre de dessinateurs parisiens, l'apparition de L'Assiette au beurre dans le paysage journalistique du début du XXe siècle ouvre des perspectives inédites. A l'instar de revues comme Le Cocorico ou Le Courrier Français de Jules Roques, l'organe revendique une grande ambition artistique et se distingue des « journaux pour rire » par son orientation politique. Exception, dans son genre, L'Assiette au beurre partage néanmoins le paysage satirique avec bien d'autres revues. A l'appui d'un corpus choisi, on s'interrogera sur la définition même de revue satirique, sur un éventuel clivage générationnel et technique autour de 1900, et sur la place de l'art et des artistes dans ce type de presse à l'aube du XXe siècle.

Samedi 21 Mai 2011

Visite de l'exposition Jossot avec La Société des Amis d'Eugène Carrière

Quelques vidéos réalisées par une jeune italienne...

Quelques chroniques sur Le Foetus récalcitrant

article du Matricule des anges
article du Monde Magazine

Où l'on apprend que Jossot serait un mauvais militant gauchiste...

couverture du Foetus récalcitrant, éd. Finitude, 2011

Le Foetus réclacitrant a eu l'honneur d'une chronique sur le blog Caricatures et caricature et cette publicité est vraiment très aimable. J'ai néanmoins été gêné par cette recension, l'une des premières, qui tend par conséquent à influer sur toutes celles qui suivront. Ce n'est vraiment pas par goût de la polémique que j'y réponds publiquement, mais par attachement à l'histoire.

Il m'a en effet semblé que l'auteur découvrait avec stupéfaction et regrets que Jossot est un homme du XIXe siècle... dont la pensée demeure irrémédiablement réfractaire aux démarches historiques d'ordre militantes ! Parce qu'elle « recycle » les idées des naturiens, juge-t-on, la prose de Jossot serait datée... Ses idées « réactionnaires » et son « obsession spiritualiste » apparaîssent « des plus navrantes ». Ces jugements de valeur renseignent-ils vraiment sur la logique propre au parcours du caricaturiste ou sur la sphère intellectuelle du chroniqueur ? N'en déplaise à tous les « révoltés » qui rêveraient de faire du dessinateur de l'Assiette au beurre un héros acquis à leurs causes, Jossot était déjà spiritualiste, ou « théïste » comme il le disait lui-même, lorsqu'il était anticlérical. Une pensée militante peut-elle ne pas rester hermétique à la distinction entre religion et spiritualité...? Faut-il rappeler, entre autres exemples, que Victor Charbonnel, le fondateur du journal anticlérical l'Action, était lui aussi un homme de sensibilité mystique, ancien prêtre déçu par l'étroitesse d'esprit de sa hiérarchie ?

Ne pas percevoir que la caricature de Jossot, dès 1896, est le théâtre d'un questionnement d'ordre métaphysique, c'est rester étranger au caractère tragique de son oeuvre. Un lecteur non averti verra sans doute une contradiction entre son anticléricalisme et sa conversion à l'islam. Un amateur attentif tentera de la comprendre et de la contextualiser : l'islam de cette époque n'évoquait pas les mêmes passions qu'aujourd'hui, les convertis européens ne le comprenaient pas de la même manière. Avant la Première Guerre mondiale, l'islam soufi a attiré un certain nombre d'entre eux, principalement venus du catholicisme, qui ont pu y trouver un cadre pour une foi débarrassée de toute la hiérarchie cléricale, une religion aux préceptes simples, supprimant tout intermédiaires entre l'individu et son Dieu. Enfin, dans un contexte colonial, c'était aussi « la religion des vaincus ».

Le rôle de l'historien est-il vraiment de « disqualifier » ou de légitimer les idées d'un auteur ? Sommes-nous les arbitres du passé pour contester à Jossot le droit « d'énoncer des grands principes sur le monde » ? C'est bien l'un des symptômes de l'histoire militante que cette distribution de bons points qui empêche d'évaluer plus finement l'intérêt historique et littéraire d'une oeuvre...

Le Foetus récalcitrant...

couverture du foetus récalcitrant

... paraîtra aux éditions Finitude en février 2011. Pour en savoir plus sur ce texte inédit de Jossot, cliquer sur la couverture.

Panne sèche de Goutte à goutte !...

Le site de Jossot a été dans l'obligation de déménager car son contenu a tout simplement été supprimé par son hébergeur ! Un ami a donné l'alerte et je l'en remercie car je n'avais pas été mis au courant. Après enquête, il semblerait que le suffixe du nom de domaine http://www.henri.viltard.neuf.fr ait nuit à Sfr qui aurait voulu mettre sa marque sur toutes les pages perso tombées sous sa houlette. N'ayant guère apprécié cette méthode de communication, j'ai préféré m'affranchir des services de cet opérateur. Le robinet a donc été fermé du 3 au 20 juin, mais Goutte à goutte renaît plus librement sous http://www.gustave.Jossot.free.fr !! Merci à tous d'actualiser vos liens !

L'exposition Jossot...

dessin de l'Hotel de Sens

... sera inaugurée le 28 février 2011

Archives : les nouveautés de 2008-2010...

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